
Ils se disaient tous un peu gênés, consternés, voire honteux, mais la salle était pleine à craquer. Les députés belges, membres de la commission de la justice, ont dû hâter leur rentrée, jeudi 7 septembre, et personne ne voulait apparemment manquer l’événement du jour : la comparution du ministre de la justice, Vincent Van Quickenborne, contraint de s’expliquer lors d’une audition extraordinaire sur le scandale qui agite le royaume depuis quelques jours, le « pipigate ».
La scène, comme toute l’affaire, fut surréaliste mais les débats peu marqués par l’humour auquel aurait peut-être invité l’écrivain Milan Kundera, pour qui uriner dans la nature était « un rite religieux par lequel nous promettons à la terre d’y retourner, un jour, tout entier ». Pas sûr que L’Insoutenable Légèreté de l’être ait été le livre de chevet des amis du ministre, mais ils l’ont, en tout cas, plongé dans une drôle de situation.
Les faits ? Ils se sont déroulés à la mi-août, à l’occasion d’une fête auquel le ministre avait convié quelques dizaines d’amis – des hommes seulement – pour son 50e anniversaire, dans sa maison de Courtrai, en Flandre occidentale. Celle que les forces de l’ordre surveillent de près depuis que l’intéressé a été l’objet d’une tentative d’enlèvement par une mafia de la drogue, à l’automne 2022.
Relations tendues entre le ministre et la police
Ce soir-là, une camionnette de la police fédérale – étrangement vide et non verrouillée – est d’ailleurs stationnée devant le bâtiment, où l’on boit des bières et mange des pitas, selon les détails que le ministre s’est senti contraint de livrer, jeudi 7 septembre.
Les convives, vêtus de blanc selon le dress code imposé, tous fans de heavy metal comme leur ami, ont sans doute un sentiment de relative impunité, compte tenu de la fonction du maître des lieux. Au bout d’un moment, trois d’entre eux n’hésitent donc pas à se soulager sur la camionnette, sans se rendre compte qu’ils sont filmés par une caméra de surveillance de l’espace public.
Sans se rendre compte, non plus, de la portée symbolique de leur geste d’ivresse : le ministre, placé sous haute protection, n’est pas en bons termes avec les policiers et leurs syndicats, en colère parce que le gouvernement a voulu réformer leur régime de retraite et reporter des augmentations salariales prévues. Le ministre n’hésitera pas, après la révélation des faits, à montrer du doigt des représentants syndicaux : « Une opération qui vise à me nuire est en cours de leur part », dira-t-il.
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