L’art de la pitrerie
Après Serge le mytho qui l’a révélé, puis Joseph Hazan le dealer de drogue et Marc le pilote de ligne, Jonathan Cohen a trouvé une nouvelle déclinaison de l’éternel boulet un peu trop sûr de lui avec le truculent François Sentinelle. Alors qu’il avait déjà joué un gendarme à la ramasse affecté en Guyane dans Terrible jungle, l’acteur s’est cette fois glissé dans les mocassins d’un mauvais flic réunionnais doublé d’un crooner ringard coincé quelque part entre Jean Pierre François, Patrick Fiori et Isabelle Bouley.
Affublé de son mulet décoloré, de ses lunettes de courses Oakley, de sa chemise à fleurs et de ses costumes pastel, Jonathan Cohen n’est toujours pas décidé à sortir de sa zone de confort, trop occupé à y régner en maître. La formule du con gentil parmi les cons méchants est désormais bien connue, mais celle-ci continue de fonctionner et de provoquer plus de rires francs que de soupirs agacés (du moins pour ceux qui sont réceptifs à ce type d’humour bien codifié).
Dans la lignée de La Flamme et Le Flambeau, Sentinelle joue également la carte de la parodie avec le faux clip Est-ce que tu regrettes dont le ridicule et la ringardise ont, là encore, été pensés dans les moindres détails : des paroles inconsistantes, une plage paradisiaque, une photographie excessivement lumineuse, des regards caméra et une gestuelle gênante…. tout y est. Mais si Jonathan Cohen est le moteur du projet, il n’accapare pas entièrement la vedette pour autant, et tant mieux.
Sur le modèle des buddy movies et de certaines séries policières ensoleillées, l’extravagant François Sentinelle doit ainsi composer avec le personnage plus rationnel (et décontenancé) de Raphaël Quenard, un acteur dont on suit désormais la carrière à la loupe. Le décalage et la dissonance de leur duo offrent un tempo comique souvent prévisible, mais efficace, contrairement aux pénibles apartés entre Jonathan Cohen et un Ramzy épuisant qui joue un autre débile en perruque blonde.
est-ce que tu regrettes ?
On aurait pu penser que la double vocation de François Sentinelle ne serait qu’un point de départ comique qui n’irait pas au-delà de la simple blague, mais le scénario intègre plutôt intelligemment cette donnée au reste de l’intrigue qui se veut cependant plus proche du polar politique que de la comédie musicale. En revanche, dès que l’intrigue se resserre autour du complot et s’attarde à démêler les fils, le rythme s’essouffle drastiquement, jusqu’à carrément saboter l’entreprise.
Les pitreries de Jonathan Cohen et ses craquages sur synthé sont irrésistibles, mais pas assez pour passer outre le superflu du scénario qui s’étend beaucoup trop pour ce qu’il a à offrir. Emmanuelle Bercot a beau être parfaite en politicarde raciste et cynique, son personnage et la plupart des rôles secondaires (Gustave Kervern, Luca Besse, Hugo Dillon) encombrent plus que nécessaire ce récit qui a du mal à tenir sa grosse heure et demie.
Une vanne qui s’étire un peu trop, comme souvent
De plus, hormis la séquence clip digne des reprises les plus détaillées du Palmashow, la réalisation reste globalement très académique, voire paresseuse quand elle ne se contente pas de quelques montages alternés peu inspirés. Reste à voir si, comme Marc ou Serge, le personnage de François Sentinelle pourra durer dans le temps. La fin du film laisse clairement la porte ouverte à une suite qui risquerait de tomber tête la première dans la mauvaise surenchère.
Sentinelle est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 8 septembre 2023