Il a beau en avoir vu du pays, compter 602 victoires sur le circuit ATP en carrière, Richard Gasquet a encore vécu un drôle de truc ce lundi, à 37 ans, pour son entrée en jeu à l’US Open. Inoffensif durant deux sets, mené deux manches à zéro et 3-5 dans le troisième, le Français a d’abord eu un pied et quatre orteils dans le précipice, avant de recoller à deux manches partout et de céder finalement pour de bon, lessivé, dans un cinquième set à sens unique (6-3, 6-1, 6-7 [5], 6-7 [1], 6-2), face au jeune Hongrois plein de punch, Fabian Marozsan (23 ans, 92e mondial).
Forcément, le Biterrois pourra regretter cette première heure et demie de match disputée sans entrain physique, sans agressivité, sans engagement vers l’avant et sur une balle souvent trop courte à l’échange, laquelle laissait tout loisir à Marozsan et son féroce coup droit de dicter sa loi. À cet instant, le 55e mondial français était tout près de prendre la porte très tôt, sauvant deux balles de match sur son service pour simplement rester en vie. En vaillant, en combattant, après avoir déjà repoussé l’échéance à 3-5 sur le service du Hongrois, tranchant et impavide jusque-là.
Et puis, Gasquet s’est adjugé le troisième set au tie-break. Et puis, les bonnes idées sont revenues, l’agressivité aussi, le revers traversé, l’envie d’y aller, de relancer les dés. Après un tennis sous cadenas, Gasquet, éminent membre de la confrérie des quatre grands hommes à 600 victoires et plus encore en activité (avec Novak Djokovic, Rafael Nadal et Andy Murray), se dépoitraillait enfin.
Il passait même deux fois à un point du break à 2-1 dans la quatrième manche. Il était tout près. Mais Marozsan, à son tour, entrait en résistance. Moins brillant dans le jeu, le Hongrois luttait à son tour et c’est lui qui faisait le break d’un revers croisé rageur à 4-4, pour se retrouver à nouveau en position de servir pour le match.
Quatre éliminations au premier tour en Grand Chelem pour Gasquet en 2023
Mais Marozsan tremblait à nouveau et se précipitait un peu au moment de conclure, tandis que Gasquet se relevait une énième fois pour arracher un jeu décisif. Le clan français grossissait au bord du court 14, jeu après jeu. On se massait pour voir « l’ancien » souffrir et survivre encore. L’ancien n°7 mondial revenait à deux sets partout, au terme de sept points d’affilée au tie-break !
Marozsan aurait pu se dire qu’il n’y arriverait pas. Gasquet, qui s’était vu dix fois hors-jeu avant, commençait à croire que l’improbable était faisable. Le momentum avait tourné. Gasquet avait l’expérience, Marozsan, sans doute un peu plus de fraîcheur physique. Deux fois, dans sa carrière, le Français avait renversé le cours d’un match après deux sets de débours. En 2011 face à Florian Mayer en Coupe Davis et surtout, en quarts de finale 2007 à Wimbledon face à Andy Roddick. C’était jouable maintenant aussi.
Mais le Hongrois lavait vite sa frustration, retrouvait une autorité, une sérénité surprenante et une qualité de service pour se mettre à l’abri sur sa mise en jeu. Et c’est lui qui faisait le break à 3-2, avec une justesse en coup droit retrouvée. Cette fois, Gasquet, usé après deux vies et 3 h 21 de combat, ne reviendrait pas. Marozsan, tombeur de Carlos Alcaraz à Rome cette année, décrochait son premier succès en Grand Chelem, sa cinquième victoire seulement sur le circuit principal ATP. Richard Gasquet, lui, refermait la boucle des Majeurs en 2023 par une quatrième élimination au premier tour.